Surdité et marionnettes
Les marionnettes communiquent des émotions, des histoires, des habitudes sociales... elles n'ont pas besoin de mots pour se faire comprendre. Même si une personne sourde ne veut pas dire qu'elle ne peut pas parler, elle s'harmonise avec ces personnages et la symbiose communicative ne crée aucune tension. Une ressource exceptionnelle pour favoriser les compétences expressives et créatives des enfants et des adultes sourds.
Une expérience en France recueillie dans la Licence d'Études du directeur du MIT, réalisée avec le soutien du Département d'Éducation de la Generalitat de Catalunya :
Des histoires sans mots ? (Thérapie avec des enfants sourds)
M. Jean-Paul Pallard. Éducateur spécialisé et marionnettiste.
Institution Régionale des Jeunes Sourds – Poitiers (11)
Grâce au discours de la marionnette, utile et privilégié, entre autres, pour la communication et l'expression non verbale, les enfants sourds peuvent entrer dans ce monde imaginaire peuplé de princesses et de démons.
L'atelier que nous avons actuellement est né en 1990 de l'envie et de la volonté d'un certain nombre d'enseignants qui travaillaient avec des enfants sourds à l'école maternelle et primaire et qui souhaitaient développer la communication visuelle pour permettre petit à petit à ces élèves d'avoir accès au langage codé. LSF (Langue des Signes Française).
Nous voulions aussi donner la possibilité d'une meilleure construction de l'imaginaire à travers différentes histoires. Et un troisième aspect était de permettre aux étudiants de se retrouver autour d'une histoire et d'activités diverses : ateliers de mime, communication visuelle, exercices de prélecture, idéogrammes, graphisme, dessin, peinture, collage...
L'équipe animant cet atelier est composée de : Trois enseignants de l'enseignement spécialisé (une orthophoniste, un audioprothésiste et un éducateur du centre d'action médico-sociale précoce -CAMSP-), un enseignant de LSF, un éducateur spécialisé et moi. Tous les jeudis, nous avons la séance après le déjeuner et elle commence par l'explication d'une histoire avec des marionnettes réalisée par l'équipe thérapeutique.
Ensuite 4 ateliers d'une demi-heure chacun sont organisés et les étudiants sont répartis en 4 groupes :
Atelier d'expression corporelle.
Un personnage de l'histoire vue est expliqué. Une marionnette est utilisée et le personnage est rendu corporel. L'animateur l'explique dans LSF. Enfin les élèves font l'histoire en mime.
Atelier de lecture.
Cela permet aux élèves d'avoir du plaisir à chercher les livres, à les ouvrir, à retrouver les personnages... Les pictogrammes sont également utilisés pour faire la composition logique de l'histoire. Des jeux sont joués.
Atelier d'expression manuelle.
Ici sont fabriquées les marionnettes vues dans l'histoire, et l'histoire est revécue avec les poupées.
Atelier d'éducation auditive.
Il est animé par un audiologiste. Il faut beaucoup de travail pour attacher un instrument à un animal. Par exemple avec une marionnette pic, on utilise une boîte chinoise. L'enfant remarque les vibrations de la boîte, et lorsqu'il la frappe, la marionnette heurte également un morceau de bois avec son bec, et un jeu se crée entre l'instrument de musique et la marionnette. Un autre exercice se fait avec un xylophone et un écureuil. Lorsque l'écureuil est debout, il joue la partie supérieure du xylophone, et lorsqu'il est couché, il joue la partie inférieure. Plus tard, l’histoire est reconstituée et les élèves la comprennent mieux.
La première fois qu'ils voient le spectacle de marionnettes, ils ne le comprennent pas complètement, ils ne comprennent pas la séquence logique des événements, ils ne savent pas quels sont les personnages, ils ne peuvent pas les nommer parce qu'ils n'ont pas la bonne langue.
La deuxième fois, ils commencent déjà à les nommer, car ils y ont travaillé dans les Ateliers. La troisième fois, trois semaines plus tard, leur permet d'aborder une séquence logique, le décor lui-même, l'histoire.
Ce travail sur l'histoire se fait sur un demi-trimestre. Le monde sous-marin de Costeau était également travaillé avec des ombres. Par la suite, ces étudiants ont pris l'habitude d'aller voir des spectacles de marionnettes et de se renseigner au préalable (en se rendant à la bibliothèque) sur les histoires qu'ils allaient voir.